10 Octobre 2011
En décembre dernier, je décrivais ma totale adhésion au processus des primaires. Au lendemain du premier tour, je suis très heureux de pouvoir faire un aussi beau bilan :
1° Nous avons vécu un pur moment de bonheur : la démocratie en marche. Voir des bureaux de vote ouverts juste pour les
socialistes avec une queue comme un grand dimanche avait quelque chose de réjouissant et de très rassurant. Observer de telles foules après avoir vu les militants fuir nos AG et nos sections
depuis 3 ans fait le plus grand bien. C'est là une belle leçon : quand on demande son avis au peuple, comme aux militants, ils viennent se déplacer à condition qu'il y ait enjeu et compétition.
Nul ne doit avoir peur des compétitions. Pendant 3 ans, nous avons eu un parti qui s'est recroquevillé autour de cette fiction de l'unanimisme des conventions où on sortait avec un texte sur
lequel il fallait dire oui ou oui parce que tous les dirigeants étaient unanimes comme jamais. Jusqu'à cette comédie du projet voté à l'UNANIMITE comme jamais. Sauf que l'unanimité s'est vite
effacé au cours de cette primaire. C'est d'ailleurs la candidate qui avait passé 3 ans à nous expliquer qu'il y avait UNANIMITE autour d'elle et de sa direction qui a passé le mois de septembre à
chercher toutes les querelles possibles et imaginables, voire imaginaires, pour se différencier à tout prix du "favori des sondages". Alors oui après un moment de démocratie comme celui-là,
j'espère qu'on aura jamais plus le ridicule de sombrer dans la culture du centralisme démocratique qui nous va si mal. Et je souhaite d'ailleurs que cette révolution démocratique très
puissante ne soit que le premier pas d'une réflexion bien plus lourde et profonde sur le rôle d'un parti, des militants, des sympathisants, des électeurs et même, je n'ai pas peur du mot de ce
qu'est une démocratie d'opinion. Hier, la culture de l'avant garde qui irrigue encore les tréfonds de nos sections avec ces militants qui détiennent les brevets en socialisme, a pris un
sacré coup sur la caboche. Et nous devrons réfléchir ensuite à toutes les innovations démocratiques pour continuer de faire vivre un parti comme le
notre.
2° Haro sur les sondages. Ah les sondages ! Que n'avons nous entendu sur les sondages. Notre premier secrétaire par
intérim voulait même les interdire ! Le dernier sorti sur le site du parisien donnait 40% à Hollande et 30% à Aubry et Montebourg en 3e à 13% avec un gain de 5%. Le résultat c'est que Hollande
finit à plus de 39% et Aubry à moins de 31% et alors Y ZONT DIT N'IMPORTE QUOI JE VOUS DIS MOI CES SONDAGES. Ces sondages sont juste un thermomètre. Ils sont là pour mesurer les dynamiques
électorales. Bon sang mais où est le problème à mesurer l'opinion bouger ?? En juin Martine Aubry était devant Hollande et elle termine près de 10% derrière. Il s'est donc bien passé quelque
chose cet été ! Elle a regagné un point sur la dernière ligne droite, cela signifie qu'il y a eu un léger frémissement dans la toute dernière ligne droite et j'en connais même dans notre section.
Personne n'aurait vu la percée de Montebourg ? Elle a été sous estimée, mais la dynamique était là et perceptible après chaque prestation télévisée. Oui les débats TV ont servi à quelque chose.
François Hollande a choisi de temporiser et de prendre le moins de risques. Il a stoppé sa progression continue depuis l'été. Martine Aubry a plutôt perdu des points sur les 2 premiers et repris
du poil de la bête sur le dernier. Quand à Ségolène Royal, elle a été catastrophique les 3 fois avec cette curieuse impression d'un disque totalement rayé, comme si le temps s'était arrêté en
2007. Elle l'a payé très cher et sa chute est effectivement émouvante tant elle est brutale. Si elle n'était pas entourée d'une secte qui lui renvoie un miroir bien fermé, elle aurait mieux fait
d'avoir la sagesse de se retirer de la compétition plutôt que de subir l'humiliation qu'elle a connue hier. Alors oui les sondages ont marqué et montré les évolutions et je ne vois
absolument pas pourquoi il faudrait en avoir peur. Il faut juste apprendre à les lire en dynamique. Si d'ailleurs les politiques les avaient un peu mieux pris au sérieux dans les 15
jours qui précédaient le 21 avril 2002, nous aurions peut-être connu 10 ans de gauche après le 21 avril… Parce qu'en dynamique ils annonçaient la catastrophe qui a eu lieu. Et là, en dynamique,
ils annonçaient le dévissage de Ségolène Royal et la percée d'Arnaud Montebourg. Dans mes paris pré-1er tour que j'ai mis vendredi sur mon compte FB, je voyais Hollande à 41% et
Montebourg à 17%. Et contrairement à ce qu'ont raconté les aubrystes déchainés par la poussée d'un petit point de notre ex première secrétaire, aucun sondage n'a jamais donné François Hollande
vainqueur au 1er tour et jamais lui même n'a évoqué ou cru à cette hypothèse.
3° Ayant soutenu François Hollande et parrainé la
candidature d'Arnaud Montebourg, je vous avoue que le résultat d'hier soir m'a comblé d'aise. D'abord parce que François Hollande est bien arrivé en tête et très largement. Certes pas
autant qu'un ou deux sondages n'ont pu le donner. Mais bien plus que les mêmes sondages lui promettaient en mars quand il a annoncé sa candidature et même le 28 juin quand le calendrier officiel
a été lancé. Alors effectivement au terme d'une belle campagne, il a su imposé ses thèmes (la réforme fiscale, la priorité à l'éducation et à la jeunesse, la transition énergétique) et le
faire systématiquement sur le mode positif. Au cours de ce mois de septembre, j'ai été frappé par la différence très nette de communication entre les 2 qualifiés pour le second tour. Le
premier n'a eu de cesse de s'exprimer en expliquant quelles étaient ses qualités, ses perspectives, sa vision, son projet et sa cohérence sans jamais ne s'en prendre à aucun des 5 autres
candidatEs. Il a été dans le respect des autres du début à la fin. Responsable pour tous les autres. Alors que la campagne de Martine Aubry et de manière totalement outrancière
celle de Ségolène Royal se sont concentrées sur les multiples attaques contre le candidat "favori". Attaques souvent injustes, déplacées et d'une mauvaise fois digne d'argumentaires de congrès
socialistes. Cette façon de faire campagne a marqué. Et comme Arnaud Montebourg et Manuel Valls eux aussi ont déroulé leurs idées et leurs différences sur le même registre de la
positive attitude, ils n'ont eu de cesse de grimper et de grignoter. Que de ténors socialistes les prenaient tous les 2 pour des 4eme couteaux venus jouer un poste ministériel
au tapis vert ! Ils ont montré dans cette primaire qu'on pouvait avoir des idées, de la prestance, de la cohérence, du talent, de l'étoffe avant même d'avoir 50 ans… D'ailleurs la percée d'Arnaud
Montebourg est la reconnaissance d'un vrai talent politique et je suis très heureux qu'il trouve là une juste reconnaissance. Nul besoin pour autant de prendre la grosse tête ! Je sais que les
esprits simples ont la facilité de toujours tout classer sur un axe gauche - droite entre les vrais tenants d'un socialisme pur jusqu'aux affreux sociaux-libéraux perdus pour la cause. Mais
Arnaud Montebourg est plus subtil que ces caricatures de pensée et de classifications totalement dépassées. Sa percée va rendre bien terne, triste et sans saveur l'aile gauche du PS portée par
Benoit Hamon. Ils ont tous les 2 fait presque le même score, mais il vaut mieux faire 17% de 2,5 millions d'électeurs que 18% de 100 000 ! Je dois être quelque peu binaire, mais je trouve
l'expression de la pensée de Benoit Hamon toujours très caricaturale et schématique avec des grilles de lecture d'un simplisme grotesque. Dans le cas d'Arnaud Montebourg, il y a une vraie
analyse, plus poussée, plus cohérente et plus complexe. Entendre d'ailleurs Arnaud Montebourg comme Manuel Valls ne pas sombrer dans la pensée 68 en matière de sécurité est une excellente
nouvelle pour la gauche des prochaines décennies. Un sacré acquis même ! Bien plus important pour reconquérir l'électorat populaire que
de savoir si je suis bien à gauche en me regardant le nombril.
Pour revenir à François Hollande,
la clarté des ralliements de Valls et Baylet ne devrait pas lui donner beaucoup de mal pour franchir la barre des 50% dimanche prochain. En politique, celui qui est en tête a toujours sa
propre dynamique. Rappelons nous les militants à Reims. Toutes les motions se sont liguées bien maladroitement contre celle arrivée en tête, portée alors par Ségolène Royal. Quand Royal
a déposé sa candidature, elle partait de 29% et n'a eu aucun ralliement de poids. Elle est pourtant passée à 50% et a donc gagné 21% sans le moindre ralliement. Là on était chez les militants.
Alors je vous laisse imaginer l'effort incroyable qu'il faudra faire pour passer la barre des 50% quand on part de 39% +7%. D'ailleurs rien ne serait pire qu'un score de 50/50 à la mode
Reims. C'est la seule chose qui puisse totalement foutre en l'air le processus des primaires. Je vous laisse imaginer les commentaires des journalistes s'il faut attendre 48h pour savoir
qui gagne sur le fil. Alors il faut impérativement que la dynamique du 1er tour soit amplifiée au second tour. Si on veut un démarrage puissant de notre candidat après
la désignation, il faut que François Hollande obtienne une majorité très nette dimanche. Nette, franche et sans bavure. J'en profite d'ailleurs pour faire une petite parenthèse. Dans notre parti,
nous avions une règle tacite dans nos congrès et rendez-vous électoraux c'est que c'est la motion ou le candidat arrivé en tête qui conduit ensuite le rassemblement le plus naturellement. Martine
Aubry a réussi a empêché la Motion Royal arrivée en tête et la Motion Delanoë, arrivée seconde d'accéder au premier secrétariat. Avec la même volonté de petits accords de coulisse, elle voudrait
empêcher désormais celui qui a juste près de 10 points d'avance sur elle. J'espère qu'on retrouvera
un jour cette éthique politique démocratique du fait majoritaire. En sport on appelle cela le fair play. Arnaud
Montebourg a eu raison de rappeler lundi soir que faire tout juste 30% quand on a été la première secrétaire pendant 3 ans n'avait rien de glorieux et la façon de fanfaronner de ses principaux
partisans a quelque chose d'assez incongru.
4° Incongru est bien le mot quand on regarde la carte. Sur les 100
départements, ceux où Martine Aubry dépasse François Hollande se comptent sur les doigts d'une seule main ! Elle ne le dépasse que dans 4 départements sur 100 (dont Paris et le Nord). Et
quand on analyse plus profondément, on se rend compte que loin des analyses en trompe l'oeil, le vote Aubry ressemble à s'y méprendre à la carte du vote vert. Elle a cartonné (tout est relatif
avec 4 à 7 points d'avance) dans les centres villes des grandes villes où frayent ce qu'on appelle le bobo. Paris, Lille, Lyon, Marseille, Grenoble, Strasbourg, Rennes… Mais dès que l'on passe du
côté de la banlieue ou du reste du département, cette domination s'estompe très vite. Cette situation n'est pas étonnante quand on connait les choix de campagne qui ont été ceux de Martine Aubry.
En essayant de cliver sur le nucléaire (de façon totalement artificielle et même incohérente), le doublement du budget de la culture, la loi Hadopi, l'égalité hommes/femmes, le mariage homo et
autres sujets de sociétés très urbains, elle a effectivement fait mouche dans le Paris de gauche, celui qui passe du vote PS au vote Vert au gré de ses humeurs. Mais la réalité c'est que
ces thèmes n'ont d'abord rien de spécialement "plus à gauche" ou en tout cas il n'y a bien qu'à Paris que l'on voit ces problématiques sur un axe gauche forte/gauche molle. Depuis le
début de la campagne, je suis convaincu que ces thèmes porteraient à Paris mais pas au delà. Le résultat est caricatural. Mais j'ai beau être socialiste, parisien, bobo, un peu intello et très
ouvert sur les questions de société, je le dis le plus franchement du monde : si nous faisons une campagne présidentielle sur les thèmes qu'à essayé d'imposer Martine Aubry dans cette
primaire, alors nous allons au casse-pipe total et nous rouvrons un boulevard aussi bien à Sarkozy qu'à Marine Le Pen. De ce point de vue, et c'est d'ailleurs là où je suis très
optimiste sur ce qui se passera entre les 2 tours, c'est que le vote Montebourg a cartonné dans cette France de l'est, celle qui est touchée à la fois par les questions de désindustrialisation et
par les questions de sécurité et dans ces départements la percée s'est d'abord faite au détriment de Martine Aubry. Arnaud Montebourg a mordu à gauche dans les zones où le FN mordait à droit. On
ne mobilisera pas la gauche inquiète et touchée par la crise avec les théories fumeuses du Care et toutes les questions de sociétés qui agitent les milieux intellos et culturels. J'ose le dire de
façon très franche : je me suis engagé à 20 ans parce que ma ville a voté pendant plus de 10 ans à plus de 25% pour le FN. La gauche doit reprendre le dessus sur cet électorat populaire inquiet
et touché par la crise sous toutes ses formes, y compris d'ailleurs sur les questions de corruption. Et j'ai la conviction la plus ancrée en moi que l'approche qui est celle de Martine
Aubry serait un contresens historique profond par rapport aux risques politiques qui sont les nôtres dans les mois qui viennent. Je ne doute pas que je vais ici heurter le socialiste
moyen montmartrois mais ce n'est pas bien grave parce que nous ne sommes pas dans une élection municipale mais bien dans une élection présidentielle où le prochain candidat devra convaincre la
France. La France urbaine, la France péri-urbaine, la France industrielle, la France vieillissante, la France rurale. Toute la ou les France.
5° Exprimant tout
cela, j'ai bien conscience d'être en décalage avec le vote parisien et mes "électeurs". En choisissant François Hollande fin avril dernier, je n'ai pas fait un choix local et encore moins
municipal et je ne crois absolument pas aux conséquences d'un tel scrutin sur l'aspect local ou municipal. En exprimant ce choix, j'ai tout simplement choisi de m'engager pour celui qui me
paraissait le mieux à même de percevoir les aspirations profondes et contradictoires du peuple français. Non pas en les saucissonnant catégorie par catégorie auxquelles ils faudrait répondre
proposition par proposition. Mais plutôt en essayant de comprendre l'aspiration la plus profonde et la façon d'aborder la question de la jeunesse et des solidarités entre générations me parait
autrement plus porteur de dynamique que d'avoir un catalogue détaillé de toutes les réponses aux questions individuelles, égoïstes et sectorielles.
Je vous
invite donc en conscience dimanche prochain à choisir celui qui a le plus de chance de nous conduire largement à la victoire le 6 mai 2012 et de gouverner ensuite dans la durée. Le 6 mai 2012 se
gagne dimanche 16 octobre avec François Hollande. Vive les primaires et que le meilleur gagne pour nous faire ensuite gagner le 6 mai prochain. Notre responsabilité sera particulièrement lourde
dimanche !
Didier Guillot