17 Janvier 2014
Le cœur des éditorialistes applaudissent à tout va la conférence de presse de François Hollande en expliquant que nous sommes au tournant du quinquennat, qu’il y aurait un virage à droite ou au centre. J’ai un point commun avec de nombreux éditorialistes : François Hollande a assurément fait la meilleure conférence de presse et la meilleure intervention depuis le début du quinquennat. Et s’il n’a jamais été aussi bon ce n’est pas parce qu’il a pris un quelconque virage mais parce qu’il n’a jamais été autant lui même. De mon point de vue, je ne vois nul virage mais au contraire l’affirmation enfin claire et au plus haut sommet de l’Etat de la ligne politique qui est celle de François Hollande depuis longtemps. En théorisant de façon aussi fort son réformisme d’Etat après avoir théorisé son réformisme au sein du parti, il est à l’aboutissement de son parcours politique.
Du hollandisme PS au hollandisme d'Etat...
Quelques petits rappels me paraissent essentiels. Avant de prendre la tête du PS, François Hollande a été à l’origine d’abord de ceux qu’on appelait les transcourants au sein du PS, puis de la mouvance Deloriste avec le club Témoin. La mouvance Deloriste étant l’autre branche de l’ancienne 2e gauche marquée par l’aventure politique rocardienne. Pour avoir été témoin de cette aventure et lecteur assidu des revues Témoins qui étaient presque d’aussi bonne qualité que sa cousine la revue Esprit, je peux assurer qu’au cœur des années 90, c’est ici que pouvait être le mieux théorisé ce que pourrait être une social-démocratie à la française. L’heure de gloire de cette mouvance et sa théorisation étant d’ailleurs la montée en puissance de la candidature Delors en décalage alors total avec le PS d’Emmanuelli, décalage qui sera fatal pour faire aboutir ce moment Delors, ce moment social-démocrate. Ensuite, il y a quelque chose d’assez étonnant dans la lecture politique que font nombre de commentateurs sur ce qu’a été Hollande à la tête du PS. Il est souvent vu comme l’homme des synthèses improbables. Or, François Hollande a eu 4 congrès socialistes à diriger. Celui de Brest 97, de Grenoble - 2000, de Dijon 2003 et du Mans 2005. La fameuse synthèse n’a existé que lors du dernier congrès du Mans et elle était quasiment indispensable pour recoller les morceaux après l’immense traumatisme du référendum sur le TCE qui a vu pour la première fois des socialistes faire campagne sur le terrain contre d’autres socialistes alors même que les militants avaient tranché démocratiquement une prise de position claire. Or, avant le congrès du Mans, François Hollande a toujours refusé la synthèse avec ses ailes gauches aussi bien à Brest, qu’à Genoble et qu’à Dijon. Et si Melenchon lui voue une haine aussi tenace, il y a aussi derrière le souvenir marquant de ce duel permanent. C’est d’ailleurs au congrès de Dijon que le réformisme de François Hollande est le mieux théorisé avec le plus de clarté et notamment sur le refus de prendre des engagements intenables sur la difficile question des retraites. La phrase clef de ce moment Hollande est la fameuse phrase issus du parti social-démocrate suédois : on doit être dans l’opposition comme si on était au gouvernement et au gouvernement comme si on était dans l’opposition.
D’ailleurs dans la suite de ces congrès, Bertrand Delanoë reprendra le flambeau en suivant cette ligne politique au congrès de Reims en assumant madroitement le mot de social-libéralisme. François Hollande était sur la même motion qui théorisait alors « l’efficacité de gauche ». Mais la police de la pensée archaïque eu PS a bien souvent le dernier mot et parler de social-libéralisme reste le tabou absolu. Pourtant toutes les politiques publiques d’Etat comme locales d’ailleurs menées par des gouvernements nationaux ou locaux socialistes sont toutes du pur social-libéralisme depuis 1983 au sens où l’économie de marché reste le cadre dans lequel nous nous inscrivons et c’est d’ailleurs le pâle congrès de l’Arche mené par Pierre Mauroy en 1991 qui l’avait le mieux théorisé. J’attends toujours des tenants de la gauche pure et dure qu’ils soient au PS ou à ses côtés qu’ils nous expliquent ce que serait un socialisme à la française sans le libéralisme, sans l’économie de marché. Les gouvernements socialistes de Pierre Mauroy, Laurent Fabius, Michel Rocard, Edith Cresson, Pierre Bérégovoy comme celui de Lionel Jospin qui a gouverné pendant 5 ans Avec les communistes et même Mélenchon, ont tous inscrit leur politique Et dans le cadre de l’économie libérale, Et dans le cadre des contraintes fiscales comme économiques fixées par l’Europe, y compris sur les questions de concurrence qui ont tant fait débat en 2005. Alors il était temps que la gauche revenue au pouvoir ASSUME enfin totalement ce qu’elle a toujours fait sans vouloir le théoriser et assume totalement une politique qui consiste à opérer des réformes, des réformes fortes dans le cadre de l’économie sociale de marché, le tout dans le cadre de l’Europe.
Effacer 10 ans de catastrophe UMP
sur la desindustrialisation
Pour ma part, je ne vois pas en quoi faire le pari de l’appareil productif, de l’entreprise et de la création d’emploi serait « de droite » ! Chaque emploi créé c’est du pouvoir d’achat gagné pour le salarié en question comme pour ceux qui cotisent pour l’assurance chômage d’ailleurs. Il est temps de passer à un cercle vertueux de création d’emplois en France et tous les moyens doivent être trouvés ensemble.
Une politique, de gauche et réformiste sur tous les fronts
Pour le reste, la politique de refondation de l’éducation nationale menée au pas de charge par Vincent Peillon, George Pau-Langevin et Genevieve Firoaso, de lutte contre l’échec scolaire et donc les inégalités, la priorité absolue donnée à l’éducation de la maternelle à l’université et à la recherche ce n’est pas exactement la voie qui avait été choisie par 10 ans d’UMP. La restauration de l’Etat républicain par Manuel Valls ET Christiane Taubira, aussi bien sur les questions de sécurité que de libertés publiques ce n’est pas exactement la voie qui était choisie par l’UMP. Le choix d’une politique de modernisation de la justice, ce n’est pas exactement ce qu’a fait l’UMP. La modernisation de notre vie politique (parité dans les départements, non cumul des mandats, création des métropoles, nouvelle décentralisation), ce n’est pas exactement ce qu’a fait l’UMP pendant 10 ans. La création de nouvelles libertés, à commencer par le mariage pour tous, ce n’est pas exactement la voie qui était celle de Nicolas Sarkozy. Faire le choix d’une politique juste et volontariste sur la question du logement comme le mène avec brio Cécile Duflot, ce n’est pas exactement ce qui faisait le sel des gouvernements UMP. Faire le choix d’un partenariat efficace entre l’Etat et les collectivités locales, sur toutes les politiques d’investissement, ce n’est pas non plus la même vision que l’UMP. Faire avancer le grand Paris avec les collectivités et non plus simplement de façon technocratique à la mode années 60, ce n’est pas la même politique que celle de Nicolas Sarkozy.
Alors oui nous devons faire le pari d’une politique économique qui nous replace dans le peloton de ceux qui tirent l’Europe en avant et notre place est d’être du côté de l’Allemagne, pas de sombrer vers la Grece. Ce pari du retour de la compétitivité sur notre sol c’est le pari du retour de l’emploi. Et faire ce pari n’empêche nullement François Hollande comme Jean-Marc Ayrault de réformer la France dans le sens du progrès et de la justice sur la question de l’éducation et de la jeunesse, sur la question des institutions républicaines, sur la question de la justice, sur la question des libertés, sur la question de la décentralisation, sur la question du logement.
François Hollande fait entrer la gauche française de plain pied dans le 21ème siècle comme François Mitterrand l’avait fait entrer dans la modernité des années 80. C’est sans doute douloureux pour tous ceux qui ne vivent la politique qu’au travers du verbe, des postures et des ya qu’à faut con. Mais c’est indispensable si on veut réussir le pari pour lequel nous ont élu les français et qui était au cœur du programme de François Hollande : le redressement productif couplé à la transition énergétique, le redressement républicain, le redressement européen, le redressement éducatif. J’ai une confiance totale dans la réussite de cette politique volontariste et déterminée et si les échéances intermédiaires seront sans doute difficiles, je suis particulièrement confiant pour les résultats que nous pourrons afficher au compteur quand l’heure du relevé des compteurs viendra en 2017. Nous pourrons alors comparer sur tous les fronts ce qu’aura été 10 ans d’UMP et 5 ans de sociale-démocratie, de social-libéralisme, de gauche moderne, innovante et européenne.