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Le blog de Didier Guillot

Bonjour et bienvenue ! Ce blog est mon espace d'expression et d'échange politique. Il me permet de rendre des comptes de mon mandat de conseiller de Paris du 18ème arrondissement délégué à l'enseignement supérieur, la recherche et la vie étudiante et Président de l'EIVP. Adhérent de La République En Marche et membre de son comité de pilotage parisien, je suis membre du groupe Démocrates et Progressistes au Conseil de Paris et dans le 18eme. Ce blog me permet également de commenter notre actualité politique nationale et parisienne.N'hésitez pas à réagir, à partager et à participer ! De gauche. Réformiste. Européen. Libéral. Ecologiste. Démocrate. Par ailleurs cycliste, pianiste, pongiste et amoureux de la montagne et des écrins.

Mes années Rocard

Je suis tombé très jeune en politique, en militantisme et même en politique professionnelle parce qu’un homme politique m’en a donné l’envie et cet homme politique s’appelait Michel Rocard. Il s’en est allé comme s’en vont tous les hommes grands et petits. En ce 2 juillet, je me sens plus orphelin politique que jamais alors j’ai tout simplement envie de raconter un bout de ces années qui ont tant compté pour moi.

Michel Rocard j’en entendais parler vaguement dans ma famille où on parlait peu de politique. Avec un père de droite et agnostique et une mère alors de gauche et catholique, les débats étaient rares et comme leurs entourages familiaux et amicaux étaient à leur image très variés, il y avait cependant dans ces discussions et souvent engueulades, un nom qui faisait plutôt consensus c’était celui de Rocard.

Je me suis intéressé très jeune à la politique entraîné par mes meilleurs amis de collège dont les parents étaient les leaders de la gauche à Rillieux la Pape où je vivais. J’ai entrepris de découvrir cet univers par l’écrit en lisant des journaux d’abord et des livres politiques que j’empruntais à la bibliothèque municipale de Lyon. J’ai lu et beaucoup lu. Ceux de Rocard s’appelaient Parler Vrai, Un Pays comme le nôtre, Le Cœur à l’ouvrage. Et en lisant les bouquins politiques des leaders d’alors, je me suis dit il n’y a pas photo, ma gauche ne pouvait être que celle de Rocard. Celle du débat politique à coup d’idées et non de petites phrases. Celle de l’intelligence et de la créativité. Celle de la sincérité et du parler-vrai. Celle de la fermeté dans les convictions et de l’ouverture permanente aux autres.

La méthode Rocard

Rocard à Matignon fait la démonstration éclatante de sa « méthode ». Le dialogue, l’ouverture, le compromis et même un mot qui a disparu du vocabulaire politique : le consensus. François Mitterrand fait une campagne sur le thème de la France Unie et sa lettre à tous les français est alimentée par de nombreuses propositions faites par Michel Rocard, à commencer par le RMI et le crédit formation.

Son premier acte fort de premier ministre c’est de faire la paix en Nouvelle Calédonie. Un bout de France que Jacques Chirac et ses amis avait mis à feu et à sang en fin de campagne électorale. Je me suis toujours délecté d’écouter Rocard vanter sa méthode en Nouvelle Calédonie. Il avait alors enfermé l’ensemble des leaders et acteurs politiques de l’Ile dans une pièce pendant 3 jours en leur interdisant de communiquer avec quiconque et d’abord avec les journalistes. Avec obligation de résultat. Il est aisé de mieux comprendre avec une telle méthode du dialogue forcé comment un Michel Rocard pouvait être malheureux de la politique réduite à l’instantané des tweets et post.

Mais ses trois ans à Matignon ne se résume pas à la paix en Nouvelle Calédonie.

Il donne la priorité absolue à l’éducation et l’enseignement supérieur, comme le fera 20 ans après François Hollande. C’est d’ailleurs cette période qui verra le plus important mouvement de démocratisation de l’enseignement supérieur avec l’ouverture de nombreuses antennes et entités dans les petites villes.

Il lance le crédit formation qui ne fonctionnera pas vraiment bien mais dont l’idée de formation toute au long de la vie reste intacte.

Il pose les bases d’une vraie politique écologique avec son ministre Brice Lalonde avec les plans nationaux d’environnement. La question des déchets entre dans le débat public et le tri avec.

Il fait voter la CSG qui stabilisera pour longtemps un financement fort et pas sur les seuls salariés, de la sécurité sociale dont le gouvernement Chirac nous annonçait la fin en 1987.

Il pose les bases d’une modernisation et démocratisation de la fonction publique avec la suppression des catégories D. Fonction publique qui voit le salaire de ses agents petits et moyens singulièrement revalorisés, à commencer par les infirmières dont les grèves sont très populaires.

Il lance le grand débat sur l’aménagement de l’Ile de France avec le Livre Blanc. En posant le bon diagnostic : celui de la nécessaire densification de la zone dense toujours d’actualité.

Il relance également une politique forte d’investissement public sur les transports franciliens avec le lancement de trois chantiers majeurs : le RER D, le RER E et la ligne 14 Météor.

Il a fait voter la loi sur l’interdiction du négationnisme.

Il a posé les bases de la moralisation de la vie publique avec la loi sur le financement des partis.

Il s’appuie sur ce qu’il avait inventé avant d’être premier ministre, cette idée très deuxième gauche de contractualisation. Il lance sous la pression des émeutes urbaines, le ministère de la Ville qui là encore s’appuie sur la contractualisation et la mise en communs d’acteurs politiques et civils. Son discours inaugural sur le mal être des cités avec le traitement des boites aux lettres trouve là un débouché fort.

Ces trois ans de réformisme actif sont d’autant plus remarquables que cette mandature démarre avec une majorité relative, obligeant le roi du dialogue constructif à passer 28 fois par la case du 49.3. Et il a failli se faire renverser plus d’une fois. Il pouvait compter sur son fidèle collaborateur Guy Carcassonne pour trouver les ultimes soutiens chez les députés sans étiquettes ou des Dom Tom.

Je reste plus que jamais convaincu que si Mitterrand l’avait gardé à Matignon jusqu’au bout, nous aurions perdu en 1993 sous le poids des Affaires et de la récession, mais la défaite aurait été beaucoup moins sévère. La période Cresson et Bérégovoy ayant été marqué par l’absence de réformes majeures (à moins de considérer le déménagement de l’ENA à Strasbourg comme tel…) et par une forme d’amateurisme qui ressemble un peu à ce que nous venons de vivre. D’ailleurs lors de la sinistre campagne de 1993, Michel Rocard est celui que l’on s’arrache. Il marque la campagne de son fameux discours sur le Big Bang. Un discours toujours d’actualité. Il dessine alors les contours d’une majorité réformiste indispensable.

Son bilan riche peut être comparé à celui de celui qui lui ressemblait beaucoup, Lionel Jospin.

D’ailleurs si on prend les 3 législatures de gauche avant celle que nous avons vécu, l’histoire retiendra que Pierre Mauroy (l’ancien allié de Michel Rocard au congrès de Metz), Michel Rocard et Lionel Jospin ont tous les trois fait voter 95% des réformes « de gauche » qui ont changé la vie des français. Le bilan de Laurent Fabius, Edith Cresson ou Pierre Bérégovoy qui n’ont jamais avares de leçons de gauche n’est pas exactement aussi fourni et c’est le moins qu’on puisse dire.

La bande de forum Rhône

J’ai donc d’emblée liée mon jeune engagement de lycéen à celui qui donnait du sens à l’action et au débat. J’ai participé dès 1985-1987 à de multiples réunions des clubs Convaincre à Lyon. Puis entrant à l’IEP de Lyon, je m’engage dans les clubs Forum et Convaincre tout en rejoignant en janvier 1988 le PS. Avec mes potes du lycée Albert Camus de Rillieux, Philippe Duret, Lorena et Mauricio Espinosa et mes nouveaux potes de l’IEP, notamment Laurent Trottet, Elodie Ben Arrous et bien d’autres nous réalisons notre premier putsh en s’emparant du club Forum Rhône, alors animé par un duo qui n’en faisait rien.

Démarre alors une petite et belle aventure politique. Une aventure faite de construction de réseaux, d’adhésions, de campagnes. Nous faisons venir Michel Rocard dans le grand amphi de Lyon 2 en ne sachant pas encore si Mitterrand se représente ! Un carton et une ovation avec 800 étudiants qui découvrent ce personnage qui parle si vite. Rocard parle de tout. Il engage le débat sur ces 5 E qui devaient être les priorités d’une future campagne Présidentielle : Europe, Economie, Emploi, Education, Environnement. Avec Rocard, on ne comprenait pas forcément tout mais à chaque fois qu’on l’écoutait, nous avions alors l’impression de ressortir plus intelligents. C’était toujours brillant, fin, cohérent et passionnant. Parfois stratosphérique, voire partant dans tous les sens. Toujours visionnaire et avec un sacré temps d’avance. Je le revois avec son œil pétillant parler de la Bataille pour l’organisation de la planète pour faire face aux défis environnementaux. Il appelait cela la BOP. 20 ans plus tard la COP aboutissait ! Le club Forum Rhône contrairement au réseau national Forum fonctionne très vite main dans la main avec le club Convaincre et nous nous appuyons sur une équipe de rocardiens lyonnais avec lesquels ce fut un immense plaisir d’avancer : Michèle et Gérard Lindeperg, Roger Fougères, Jean-Pierre Flaconnèche et le chaleureux député de Condrieu, Gabriel Montcharmont. Nous organisons plein de rencontres avec des politiques, des syndicalistes, des intellectuels, des technocrates. Ces réunions ont lieu dans l'Axotel, un hôtel tenu par un militant rocardien derrière Perrache, dans les amphis de l’IEP et de Lyon 2, dans le petit local du PS du 7ème situé dans une rue sinistre, la rue des Verriers. Un petit local avec une superbe collection d’affiches. Et Mauricio, Alexandra et Lorena mettront aussi à disposition de cette équipée les locaux de l’Espace Latino-Américain qui sera le lieu où se réalisait le journal, les affiches et aussi les soirées et fêtes. Et quelles soirées. Celle de mes 25 ans fêtés avec Laurent Fourrier me permet de rencontrer celle qui deviendra 3 ans plus tard ma femme et la mère de mes trois enfants.

La bande de Forum Rhône détonne un peu par rapport au reste du Club. Il y a d’abord moins de ce que j’appelle alors les petits marquis du socialisme, ceux qui sont attirés par l’odeur du pouvoir pour trouver une place au soleil dans les cabinets ministériels. Et elle est aussi beaucoup plus féminine dans un réseau très macho et très masculin. D’ailleurs aux premiers moments des dirigeants nationaux de Forum, les mecs défilent à la tribune et il n’y a qu’une fille qui trône à la tribune, une certaine Jessica. Charmante mais qui ne prend jamais la parole.

Notre réseau lyonnais se densifie, attire et rayonne. A l’IEP, nous sommes à la tête aussi bien du BDE que de l’UNEF-ID qui passe du coup de 18% des voix à 50% avec une très forte participation ! Mais aussi d’un club de réflexion lancé 5 ans auparavant par Thierry Braillard, le petit club Avenir & Progrès qui publie un journal dont je m’occupe : Ouvertures. Et si avec Laurent Trottet et Philippe Duret nous formons une troïka qui se voulait le pendant lyonnais de la troïka Valls-Fouks-Bauer en clin d’œil (j’ai encore l’affiche réalisée par Philippe…) il y a aussi ceux qui sont chargés de développer les réseaux. Laurent Fourrier puis Nathalie Berthy ont en charge notre présence au MJS. Ils déménagent, remuent et bousculent et les rocardiens sont très présents et majoritaires jusqu’au jour où à chaque AG fédérale annuelle déboule les cartes des familles d’élus de l’Est Lyonnais qui ne viennent qu’une fois mais qui permettent de barrer la route à ces huluberlus soupçonnés d’être des socialistes bizarres et pas dans le droit chemin. Le duo Jérôme Saddier et Olivier Daronnat se charge de notre présence à l’UNEF-ID et là aussi la route est difficile. Notre conquête de l’AGE de l’IEP fait des émules et en 1989, nous avons droit à une petite visite de Mao Peninou qui vient nous faire comprendre qu’il faut arrêter de vouloir bousculer les choses comme ça parce que Lyon c’était quand même là d’où venait le patron Christophe Borgel. Nous étions majoritaires à l’AGE de Lyon mais cela ne se faisait pas en fait. On accepte de travailler avec le patron Christophe Lafoux qui est un ami de l’IEP et qui avait tout d’un rocardien sans l’afficher ! C’est d’ailleurs avec Christophe Lafoux qu’en 1991 à Paris on lancera notre petit club Débattre qui fonctionnera jusqu’en 2002.

Avec Philippe on convainc Christine Priotto de nous rejoindre à la machine à café du BDE. Christine sera plus tard co-leader de Motion au congrès de Liévin, longtemps membre du BN du PS puis deviendra maire de Dieulefit, une si belle ville de la Drôme où je retourne la voir presque chaque été. Nous avons souvent été sur des choix internes différents mais l’amitié prend le dessus chez nous.

Le club Forum Rhône devient vite l’un des plus gros clubs avec celui de Loire Atlantique où milite Christophe Clergeau (il y a deux clubs celui de Nantes et celui de Saint Nazaire !) et celui du Loiret où milite Olivier Faure.

Mon meilleur ami d’enfance, Cyrille Larat s’occupe de celui de Lille avec Antoine Besnehard et Nicolas Sabatier et je monte souvent les voir. Nous avons des nuits de débats passionnantes ! Avec Nicolas, nous les poursuivons aujourd’hui sur les réseaux sociaux.

Je me retrouve un peu en situation de « frondeur » dans les instances et des proches de Manuel Valls me trouvent un surtout flatteur : « l’autogestionnaire yougoslave ! » Ma fronde n’était pas tant politique par rapport à Valls et Bauer, elle était surtout organisationnelle. Je ne comprenais pas leur acharnement à vouloir garder le contrôle d’un mouvement jeune passé un certain âge. J’avais alors 22 ans et Valls 28. Mais mes critiques portaient surtout sur le côté Bling Bling de ce club vivant sur les enveloppes matignonesques. Je me souviens d’une convention régionale de Rhône Alpes où j’avais pété un câble car on se retrouvait à loger 50 étudiants et lycéens dans un Hôtel Mercure 4 étoiles. J’avais alors signifié à Bauer que les 50 000 F de dépenses pour ce week-end aurait été les bienvenus pour faire vivre le club avec des tracts, des affiches et des réservations de salles plutôt que de payer des chambres de luxe à des mômes. L’Université d’été de Vitrolles avait été hallucinante de ce point de vue en 1988 et j’ai toujours pensé que la façon très bling bling et très années 80 Tapie de cette équipe locale n’était pas pour rien dans l’arrivée quelques années plus tard du couple Mégret. En 1989, c’était les billets d’avions payés d’office pour aller en Bretagne à Loctudy et en 1990, on retrouve une forme de sagesse en se retrouvant enfin en Cité U à Pau mais avec quelques luxes tout de même. En 1990 je claque la porte de Forum avec une lettre au CA qui secoue un peu le cocotier. J’ai d’ailleurs encore cette lettre et la réponse de Bauer ! Quelques mois après c’est le trio Manuel Valls, Alain Bauer et Stéphane Fouks qui finalement laisse la place à de nouvelles équipes. C’est à ce moment-là qu’Olivier Faure, Christophe Clergeau, Jean Naem, Benoit Hamon prennent le relais. Les 2 premiers pour Forum, le 3ème veillant sur l’UNEF et le 4ème sur le MJS.

J’ai été opposant de Valls au sein de Forum et pourtant je suis beaucoup moins critique sur la suite de son parcours. Je crois que ses années de militantisme en banlieue, à Argenteuil puis à Evry lui ont forgé de solides convictions et l’ont rendu moins arrogant.

Mon rocardo-poperenisme rillard !

Du côté de Rillieux, où je milite avec Philippe, Lorena et Mauricio, notre courant est plutôt minoritaire puisque le congrès de Rennes se solde par un 85% pour la Motion Poperen dont c’était un fief et 15% pour la Motion Rocard. Mais 0 pour les 5 autres motions ! Et pourtant bien que rocardien j’étais très lié avec toute l’équipe rilliarde, à commencer par Jacky Darne qui me met en très bonne position sur sa liste en 1989. Une liste qui rate le coche d’une poignée de voix. Si j’avais été élu conseiller municipal à 19 ans en 1989, je ne serais sans doute pas monté à Paris ensuite… Jacky deviendra maire la fois d’après en 1995. Et mes excellentes relations avec cette équipe de poperenistes me vaut le surnom rare au sein de la fédération du Rhône celui de « Rocardo-Popereniste ». Un surnom que j’assume car Jean Poperen avait beau se situer à la gauche du PS, il n’était en rien un gauchiste mais un authentique social-démocrate qui rêvait de compromis social. Et j’ai vu défilé de nombreuses fois Jean Poperen à la section entre 1985 et 1990. Il était toujours passionnant même si sa grille de lecture me paraissait datée. Il radotait un peu.

Solférino

En septembre 1990, je deviens permanent de Solférino auprès de Gérard Lindeperg, ce qui me permet de financer la poursuite de mes études à Paris. Un des rares permanents rocardiens dans cette maison encore traumatisée par le sinistre congrès de Rennes qui fut mon premier et qui a bien failli être mon dernier. A Solfé, chaque étage a son courant pour loger ses secrétaires nationaux et permanents. Les rocardiens sont cantonnés surtout au 3ème étage. D’un côté avec Gérard Lindeperg, Jean-Claude Boulard, Sylvie François et Alain Richard et de l’autre avec Gérard Fuchs le Monsieur Europe. Les permanents ne sont pas nombreux et avec Gilles Orselly que je remplace, Frédéric Vallier, Luc Broussy, Bertrand Druon, Arnaud Massip et quelques autres, il faut se serrer les coudes tant nous sommes regardés chaque jour comme les droitiers du bocal ! Les corps étrangers à Solférino. Il y a aussi les délégués nationaux et c’est là que je fais la connaissance de Gilles Lacan, un magistrat très sympa qui m’embarquera dans sa section à Drancy et du duo Jacques Salvator – Claude Pigement. Les premiers mois sont pénibles pour ne pas dire hostiles. Peu à peu la glace fond et les permanents des autres courants finissent par trouver que des rocardiens peuvent même s’avérer humains, militants voire drôles !!! Ma première mission est d’écrire le guide du nouvel adhérent du PS et en particulier l’histoire. Ma première victoire politique consiste donc à écrire ce texte sensible et je suis fier d’avoir réussi à atténuer la légende du congrès fondateur d’Epinay en présentant la séquence de la réunification du PS avec 71 et 74, date des assises au même niveau. Ce texte a survécu et est toujours dans le guide de l’adhérent. Je dois aussi écrire des 4 pages d’argumentaires PS-INFO pour les cadres du PS sur les réformes du gouvernement. Je rédige le 4 pages sur la CSG relu et corrigé par le duo Jacques Salvator et Luc Broussy. Et ce 4 pages est bloqué quelques semaines à la publication, l’assistante en charge de la mise en page, leader syndicale de la CGT à Solférino, refusant que sorte ce document qui remettait en cause la propagande de la CGT sur la CSG ! Je rédige aussi celui sur la réforme de la fonction publique, ou encore celui sur la position de la France et de notre parti dans la guerre du Golfe et là c’est du côté chevenementiste que cela bloque dur !

En 1992, quand Fabius succède à Mauroy, il confie le poste de numéro 2 à Gérard Lindeperg. Jacques Salvator et moi succédons vite à François Lamy et Jean-Michel Rollot à ses côtés avec la mission d’assurer la coordination d’un parti qui sait qu’il va droit au désastre électoral de 1993, un peu comme aujourd’hui… J'ai raconté ces moments dans mon hommage à Jacques Salvator il y a quelques mois.

Laurent Trottet et Philippe Duret sont eux recrutés successivement pour tenir le 266 bd Saint Germain, autre QG de Gérard Lindeperg qui dirige aussi le courant rocardien. Philippe était payé à coup de lance pierre et en liquide venu de Matignon et bossait jour et nuit. Il dormait même sur place ! Je passe souvent au 266 pour des réunions très tambouilles comme pour des réunions avec des acteurs passionnants. Je me souviens de cette soirée de mai 1991 où on a accueilli tardivement les cartons venant de Matignon avec l’aide d’Antoine de Lille. Il y avait ceux marqués Michel et ceux marqués Michèle !

Au cours de ces années, après une année à Saint Ouen, je m'installe dans le 18ème rue Pajol. Jean-Vincent Placé rencontré à l'université d'été de Montpellier de Forum puis Régis Juanico feront partie de mes co-locataires !

Rocard à Drancy

Je convainc Philippe de me suivre à la section de Drancy où je milite avec Gilles Lacan mais aussi Sylvine Thomassin qui deviendra maire de Bondy quelques années après. Dans cette section, on organise aussi une vie associative à côté du PS. Un camarade s’occupe de lutte contre le sida. Akim qui travaille aussi auprès de Gérard Lindeperg est au cœur du club de foot de la ville. Il sera plus tard secrétaire de la section. Avec d’autres on monte l’association Cultures Banlieues et nous transformons une station-service désaffectée en local de répétition de musique, labo-photo et bar sans alcool. Le tout au cœur d’un quartier, l’Abreuvoir, très sinistré à cheval sur 3 villes, Drancy, Bobigny, Bondy. Un soir on fait venir Michel Rocard pour une conversation à bâtons rompus dans le pavillon du secrétaire de section autour d’une pizza. Il en reviendra enchanté et passera un an à citer en exemple la section de Drancy qui n’en méritait pas tant et cela agacera les autres rocardiens du 93, en particulier Gérard Fuchs et Jacques Salvator. Surtout que Rocard avait vu la face sympa de la section. Il y en avait une autre moins reluisante : les AG de section pouvaient se terminer en grosses engueulades pouvant même virer à la violence physique. Rocard avait l’impression que ce qu’on faisait à une poignée était simplement de la pure sociale-démocratie. Ce qui était vrai sur la démarche, mais à une échelle beaucoup trop micro pour avoir un impact, à commencer par électoral.

Et pendant ce temps là…

A Lyon pendant ce temps-là, aux côtés de Christine, de Laurent Fourrier, d’Yvan Lubrany et de Jérôme Saddier, c’est Régis Juanico que l’on a repéré à la sortie du lycée qui prend la suite. Régis est un peu froid, voire timide mais il est brillant à tel point qu’il finira major de sa promo de l’IEP de Lyon malgré un militantisme très appuyé. Régis aussi finira par monter à Paris en bossant pour le ministre de la défense Alain Richard et lui aussi aura un regard sur le courant rocardien, mais un courant rocardien post Rocard car la Torpille Tapie a mis fin aux ambitions nationales de notre Michel.

Rocard à Solférino

Rocard arrive à Solférino en 1993, je rate son élection au CN pour cause de mariage de Philippe Duret. Après avoir bossé 3 ans pour Gérard Lindeperg, celui-ci devient conseiller du premier secrétaire, je commence une nouvelle aventure en devenant le Monsieur Europe au secrétariat international auprès de Gérard Fuchs. Cela tombe bien, mon sujet de DEA est la création du PSE que je suis alors de près. L’arrivée de Rocard se fait dans un climat de haine de la part de ceux qui n’ont pas digéré l’éviction de Fabius, mais dans le même temps il arrive à charmer et retourner des anti-rocardiens primaires, à commencer par Jean-Luc Mélenchon qui devient secrétaire national ou Julien Dray en charge de la fête du PS. Mon bureau n’étant pas bien loin de celui de Mélenchon, je bavarde souvent avec lui et il était sincèrement tombé en admiration devant Michel Rocard. Je revois ce séminaire de direction un samedi après-midi à Solfé où Rocard explique toute l’histoire des partis sociaux-démocrates avec les taux d’encadrement de chaque parti par rapport aux électeurs. J’étais assis à côté de Mélenchon qui était médusé et fasciné. Mélenchon écrira d’ailleurs un livre sympa un an plus tard : « Rocard ou le rendez-vous manqué ». Je n’ai moi-même jamais oublié ses démonstrations sur les autres partis. J’ai eu la fierté de rédiger en 1996 intégralement une brochure de formation sur les partis sociaux-démocrates, socialistes et travaillistes en Europe sous la direction d’Alain Bergounioux. Quand j’ai achevé mon mandat de secrétaire de section du PS en 2008 ma plus grande fierté est d’avoir approché ces fameux taux d’encadrement avec 1100 adhérents et un fichier total de 3600 sympathisants et adhérents alors que notre député avait obtenu 10 000 voix sur notre territoire. Pouvoir dialoguer avec 35% de nos électeurs c’était cela la sociale-démocratie à la mode Paris ! Précision, quand j’ai été élu secrétaire de section en 1997, mon fichier comptait 277 noms, adhérents comme sympathisants !

Revenons à Rocard boss du PS. Rocard premier secrétaire fais des miracles. Nous sortons de la pire débâcle politique du PS avec des législatives accablantes. Nous venons de subir une scission avec le départ de Chevènement, un pilier des 20 dernières années au PS, parti créé le MRC. Nous venons de vivre sidérés le suicide de Pierre Bérégovoy que nous apprenons Christine, Rodolphe, Régis, Yvan, Laurent et bien d’autres copains de Forum Rhône lors d’un week-end dans la maison de campagne de ma grand-mère dans l’Ain. Et Rocard, lui lance les états généraux du PS. Un moment de démocratie participative. Le premier dans ce grand parti. Un moment d’ouverture aux sympathisants, 13 ans avant la séquence des adhérents à 20€. Ces états généraux sont un moment passionnant et les militants et sympathisants qui avaient totalement désertés reviennent de nulle part. Et retrouvent la fierté en libérant la parole. C’est un moment de psychanalyse collective mais qui nous remet d’applomb alors que tout le monde nous avait enterré définitivement. De plus ces états généraux se déroulent à Lyon et la bande des jeunes rocky lyonnais se retrouvent au cœur de l’organisation de ces 3 jours exaltants. La rénovation de la vieille maison est en marche. Jean-Paul Huchon, le n°2 officieux du PS s’appuie d’ailleurs sur Manuel Valls pour la réussite de cette très belle séquence. Manuel propose déjà de changer le nom du PS mais cette idée sera balayée. En tout cas émerge de nombreuses idées nouvelles, comme celle de la parité que Rocard mettra en avant pour les européennes en faisant l’annonce au congrès du Bourget suivant. Les cahiers des Etats généraux regorgent de belles idées et je peux témoigner que la bande de technos qui bossent à Solfé pour faire la synthèse de tout ce qui remonte le font vraiment avec émulation et excitation. Quelques mois plus tard, Rocard triomphe au congrès du Bourget en mettant fin à la question de son illégitimité soulevée par des fabiusiens très énervés. Mais il triomphe en faisant ce petit accord à l’ancienne entre courants traditionnels qui referme le couvercle sur le bouillonnement des états généraux. Il faudra attendre l’arrivée de Lionel Jospin en 1995 pour redonner un petit coup de plus dans la rénovation voulue par les militants et sympathisants et notamment affaiblir le poids des courants volonté exprimée aux états généraux.

La dureté humaine du rocardisme

Pourtant bosser dans la rocardie n’était pas toujours chose simple. Cette équipe était très très exigeante voire intransigeante et les secrétaires nationaux « rocardiens » bossaient comme des dingues et étaient sans aucun doute les meilleurs. Comme s’ils avaient justement toujours besoin de montrer que si si ils étaient des vrais militants, si si ils étaient vraiment de gauche, si si ils méritaient de diriger ce parti. Cela me fait penser à ces femmes qui brisant le fameux plafond de verre et atteignant les sommets de la sphère politique, administrative ou professionnelle ont besoin d’en faire toujours 10 fois plus pour montrer qu’elles peuvent faire mieux que les hommes ! Gérard Lindeperg créé le Centre de formation des élus, le centre Condorcet dirigé par Joëlle Jedryka et ce sont de très belles heures de boulot avec un projet très pro et très bien monté. A la mode Rocard en organisant plein de stages au départ avec des formateurs, des syndicalistes, des politiques, des responsables associatifs. Avec Michèle, sa femme et une vraie politique brillante et bosseuse, la jeune Virginie Martin, le militant de la LDH Philippe Lamy nous écrivons 3 brochures consacrés à la lutte contre l’extrême droite qui s’arrachent et permettent d’animer de nombreux stages de formation. Nous montons des stages de formation sur la sociale-démocratie et faisons venir des responsables du SAP suédois. J’ai d’ailleurs accompagné des députés sociaux-démocrates suédois à l’Assemblée nationale où ils auront la chance d’assister au discours tonitruant de Philippe Seguin sur le traité de Maastricht. Gérard Lindeperg réinscrit l’université d’été dans l’agenda de rentrée à un moment où le PS passait derrière toutes les universités de courant, y compris celle du courant rocardien avec les jeunes et les vieux.

Quant à Michel Rocard, s’il avait de nombreuses qualités connues de tous, il avait un défaut majeur en politique et qui lui a sans aucun doute coûté de nombreux points dans les congrès, il était un manchot absolu des relations humaines. Il était certes simple, humble et chaleureux, très chaleureux. Mais incapable de reconnaître les gens, les élus et ceux qui bossaient pour lui. Combien de scènes de petites et grandes humiliations dans ce monde de petits et grands égos. Il ne se souvenait jamais des gens et quand il débarquait dans un endroit pouvait faire des gaffes énormes qui pouvaient faire rire les entourages mais blesser ceux qui n’en revenaient pas. Je pourrais raconter quelques scènes très drôles dans le genre, mais au fond trop méchantes.

Quant à moi, je me retrouve à quitter le courant rocardien après la réunion à laquelle j’ai assisté en mars 1994 où il s’agissait de faire la liste aux européennes. Dans les députés « rocardiens » sortant il y a deux députés qui sont parmi les plus actifs à Bruxelles et les plus reconnus des députés européens français, Jean-Pierre Cot et Gérard Fuchs, pour lequel je bosse à Solfé. La réunion du courant tourne au psychodrame car Rocard propose lui-même de les sacrifier tous les deux, puis l’un puis l’autre. Et ceux qui veulent prendre la place sont Jean-Paul Huchon, Manuel Valls et Bernard Poignant. La maladresse avec laquelle tout cela se fait m’exaspère. Et je n’assisterai plus à aucune réunion de ce courant à partir de ce moment-là.

Les résultats des cantonales en mars sont bons. Nous gagnons aussi la partielle qui fait élire Daniel Vaillant dans le 18ème ouvrant le chemin de la conquête de Paris. La campagne des européennes part bizarrement. Sa liste ne décolle pas et s’effondre vite devant la liste de Tapie qui n’a que des personnalités médiatiques (Taubira, Mamère, Lalumière), alors que Rocard se retrouve avec un Kouchner n°2 mais lesté de tous les apparatchiks de courants aux équilibres si subtils. Rocard passe beaucoup de temps à empêcher la liste des intellos liés à la guerre en Yougoslavie mais ne vois pas monter la dynamique Tapie qui le tuera définitivement.

L’ambition présidentielle de Rocard achevée définitivement.

Le 19 juin suivant, le CN du PS le vire comme lui avait viré Fabius un an plus tôt et fait élire Emmanuelli. Je suis alors au congrès passionnant du SAP, le parti social-démocrate suédois où je représente le PS français avec Axel Queval. Dans ce congrès du parti le plus « rocardien » d’Europe se joue alors un débat passionnant : celui de choisir l’adhésion à l’Union européenne. A partir de là Emmanuelli ouvre la courte période du retour aux fondamentaux. Cette période où le ridicule le tuera au congrès de Liévin. Il fait voter sa motion A gauche toute et lance un appel à Jacques Delors l’exortant à faire son devoir, à savoir se présenter à la présidentielle. Christine Priotto lance avec Vincent Peillon, Jean-Patrick Gilles et Christophe Clergeau la petite motion de résistance à l’Emmanuellisme, ce néo-molettisme. Je ne la suis pas et je le regrettai postérieurement. Je n'en étais pas alors car je ne comprenait pas que la mouvance des anciens jeunes rocardiens ne soit pas capable d’avancer ensemble.

Comme je ne supporte absolument pas cette régression, cette farce et ce double discours, je démissionne de Solférino pour rejoindre le groupe socialiste du Conseil régional d’Ile-de-France sur les conseils de Christophe Caresche qui lui aussi quitte la rue de Solférino comme permanent.

Comment le sectarisme anti-rocardien me conduit à m'investir pour de longues années dans le 18ème.

En mars 1995, je milite à CGO depuis 1993. Alors que j'habite encore au 65 rue Pajol, nous nous faisons cambriolé. Cela faisait de longs mois que nous devions déjà supporter les crackers et héroïnomanes qu'il fallait enjamber pour franchir le seuil de sa porte le soir. Qu'il fallait supporter chaque soir les cris des toxicos arrivés après la fermeture du centre d'accueil Sleep-In ouvert récemment juste en dessous. Après la cambriolage, ma conjointe met une semaine pour trouver un appart dans PAP à Montrouge. Je n'imaginais pas aller là bas mais why not. C'était comme une petite maison de poupée avec un bout de jardin. Va pour Montrouge. Je bosse alors au groupe socialiste à la région où officie parmi les conseillers régionaux un certain Philippe Bassinet, leader du PS à Montrouge. Ce nom m'évoquait les portraits toujours très hard de l'Evénement du Jeudi, l'ancêtre de Marianne, présentant cet élu comme l'archétype du popereniste très sectaire. Je le rencontre au boulot et lui annonce que je vais habiter là. Il me fusille du regard et me dis : "Moi vivant, jamais aucun rocardien n'adhérera dans ma section, tu n'as qu'à aller à Malakoff, ils sont rocardiens et dingues et ça va ensemble. Tu crois que je n'ai pas compris que tu venais pour prendre la place aux municipales. J'avoue n'y avoir absolument pas penser et mon départ précipité du 18ème m'écartait d'ailleurs de fait de la participation aux élections municipales. Bon déjà qu'à CGO j'avais régulièrement droit à des Chut voilà le rocardien quand j'entrais rue de Trétaigne, alors je n'avais pas envie de me battre.

Moi je n'ai pas l'intention de venir me battre contre des sectaires archaïques. C'est alors que Christophe Caresche me propose de venir dans la section voisine, la section JBC qui est aussi celle de Delanoë. Christophe se fout de mon rocardisme. Je vois bien que pendant encore deux ans, cela perturbe beaucoup Daniel Vaillant et dans une moindre mesure Bertrand Delanoë. En 1997, nous quittons Montrouge pour revenir dans le 18ème et nous y vivons encore. En 1997, après la victoire de Christophe Caresche dans la circonscription où Alain Juppé l'écrasais en 1993, je deviens secrétaire de section de JBC.

Le curieux chemin des héritiers

Les amis de Benoit Hamon eux s’organisent au sein de Nouvelle Gauche. Pendant les années 90, la bête noire des jeunes rocardiens, c’était le courant de Dray et Mélenchon, la Gauche socialiste. Au milieu des années 90, la mouvance Hamon choisit de s’allier avec eux pour conquérir l’UNEF-ID qui ensuite fusionne avec l’UNEF-SE communiste pour refaire la grande UNEF. La mouvance proche de Cambadelis qui irriguera plus tard la saga Strauss-khanienne choisit de sortir en douceur d’une UNEF qu’ils ont perdu. Ils créent alors deux mouvements très intéressants : l’AFEV qui investit la politique de la Ville et ANIMAFAC qui veut fédérer, encourager et émuler la vie associative étudiante. Deux mouvements qui se détachent du syndicalisme étudiant pour investir le champ de la vie associative. Ces deux associations seront au cœur de la dynamique nouvelle politique municipale de vie étudiante lancée par Bertrand Delanoë en 2001 avec David Assouline et Sandrine Mazetier qui font émerger un nouvel acteur original : la Maison des Initiatives Etudiantes. J’ai poursuivi avec bonheur cette politique qui verra un coup d’arrêt brutal quand la nouvelle maire de Paris et son adjointe feront le choix de donner les clefs de ces belles maisons à l’UNEF. L’UNEF a beaucoup de missions à remplir et il en est qu’elle remplit d’ailleurs très bien et avec beaucoup d’efficacité. Mais lui confier les clefs de l’encadrement et l’émulation de la vie associative est un contresens absolu. Un beau gachis en perspective.

La conquête du MJS et de l’UNEF, objectif des jeunes rocardiens est atteint mais pas exactement avec les préconisations et la culture de ce qu’ils pouvaient porter quelques années auparavant. Le centralisme démocratique et le verrouillage y compris par la triche n'était pas exactement au coeur de la culture démocratique du rocardisme même de courant.

Lionel Jospin devient pour 7 ans le leader de la gauche en écrivant la très belle page de la gauche plurielle gouvernant ensemble. Les rocardiens sont nombreux au gouvernement de l’ère Jospin : Alain Richard, Catherine Trautmann, Louis Le Pensec, Charles Josselin, Dominique Gillot, Louis Besson.

Pendant ce temps-là du côté des jeunes rocardiens, les anciens jeunes avancent mais dans un sens différent. Régis Juanico qui bosse pour Alain Richard doit veiller sur ce qu’il reste du courant rocard qui s’appelle alors l’ARS. D’ailleurs à ce moment-là Régis se demande où s’investir. Je le vois avec Jérôme au ministère de la défense. Je lui explique qu’en 1997, je me vois proposé de devenir assistant parlementaire auprès de Jacky Darne me rapprochant de Rillieux ou alors de Gérard Lindeperg à Saint Etienne et j’ai choisi en fait Christophe Caresche dont j’avais été le directeur de campagne afin de poursuivre ma nouvelle mission que je prends à cœur de secrétaire de section du 18ème JBC. Et je dis alors à Régis qu’il a un boulevard s’il préfère s’investir plutôt à Saint Etienne qu’à Lyon, car la fédération dont Gérard deviens le patron a tout à construire pour tout conquérir. C'est ce qu'il fera. De son côté Jérôme s'investit à Villefranche sur Saône.

Michel Rocard s’investit lui avec son intacte passion au parlement européen. Manuel Valls devient un pilier de la communication de Lionel Jospin et Benoit Hamon qui a verrouillé son nouveau jouet qu’est le MJS tente de construire son réseau, qui s’appelle alors Nouvelle Gauche. Je les suis jusqu’en 2002 en sentant leur étrange pente pour dériver à l’aile gauche s’accélérer. En septembre 2002 se tient une AG de Nouvelle Gauche à l’UE de la Rochelle. Benoit Hamon, Régis Juanico, Hugues Nancy qui ont succédé à Benoit à la tête du MJS, mais aussi Olivier Girardin et Jérôme Saddier invitent leurs troupes à changer de braquet et à venir renforcer la nouvelle aile gauche en cours de création. Lors de cette réunion de La Rochelle, l’explication donnée par l’équipée est que pour conquérir le PS, il faut une base solide et comme Chevènement est parti et Poperen décédé, l’espace de la gauche du parti est en jachère et qu’il faut l’occuper. Une telle démarche est du pur marketing politique ! J’interviens pour expliquer que tous ceux qui ont pris la parole pour proposer d’aller rejoindre un mois après le courant de Mélenchon et Emmanuelli Nouveau Monde à Argelès, sont tous d’anciens rocardiens piliers des cabinets ministériels des ministres par vraiment identifiés comme les gauchistes du gouvernement. Et qu’une telle démarche n’est ni crédible, ni sincère, ni décente au regard de ce que toute la gauche a vécu autour de Lionel Jospin. Et j’indique que le moment est plutôt de vivre notre propre aventure. J’avoue que je n’avais perçu le lent glissement de ces anciens jeunes rocardiens pour venir se positionner à la gauche du PS. J’avais eu un indice. En 1996 j’ai publié une brochure de formation sur les partis sociaux-démocrates et travaillistes en Europe sous la houlette d’Alain Bergounioux et en 1999 quand j'ai proposé au MJS de la réactualiser, ils m'ont alors répondu qu'ils ne pouvaient pas vendre l'histoire de partis sociaux-libéraux !

En août 2002, j’ai réussi à ralentir le mouvement car du coup ils ne se rallieront pas à Nouveau Monde à Argelès. Ils participent alors à la création du courant NPS avec Vincent Peillon, Arnaud Montebourg et alors Julien Dray. Je participe aux premiers mois. J’écris intégralement une contribution qui sera déposée par Régis : Oser la rénovation. Ce sera le socle des propositions de NPS sur le parti. La seule proposition qui est écartée est celle que j’ai mise en place dans ma section depuis 2000 : l’élection directe des dirigeants locaux et fédéraux par les adhérents. Dans un courant habitué à imposer les apparatchiks du sol au plafond dans un centralisme démocratique plus assumé que jamais, cela faisait tâche !

En janvier 2003, je quitte le navire NPS en création quand je lis le texte complet arrivé. Je ne me reconnais pas dans la lecture très critique des années Jospin et encore moins dans ce qui est écrit sur l’Europe qui reprend les antiennes de Chevènement quand il était au PS.

Ce sera mon dernier acte de jeune rocardien avec des jeunes rocardiens.

J’ai gardé des relations plus ou moins éloignées avec la bande de ceux avec qui j’ai milité à la fin des années 80 et 90. Nous n’avons pas tous eu les mêmes parcours et cheminements. Mais j’avoue que le plus triste de cette aventure ce fut le constat de voir comment des gens qui font un choix différent n’acceptent pas que l’on ne les suive pas corps et âmes à chacun de leurs virages et soubresauts dont la linéarité ne saute pas vraiment aux yeux.

Et en dehors de Mauricio, je dois dire que je suis stupéfait de voir comment ceux qui ont suivi comme un seul homme tous les calculs et positionnements de Benoit Hamon ont rompu le dialogue d’office à partir du moment où je ne faisais plus partie de l’aventure. Ce sectarisme qui est devenu leur marque de fabrique est insupportable. Et indigne. Indigne de quelqu’un du niveau de Régis. Et je ne suis pas le seul à faire ce triste constat humain.

D’ailleurs depuis j’ai quitté le PS. Je vois encore plein d’anciens camarades du PS demeurer des amis parce qu’il arrive qu’en politique l’amitié puisse prendre le dessus sur le fait d’avancer en meute, en bande, en groupe en écurie.

Au bout de la route, je vois tout ce que Rocard aura apporté et comment il a tant compté dans ma vie militante. Mais je suis comme 90% des rocardiens. Un vrai orphelin. Et pas seulement depuis son décès réel, mais bien depuis son effacement politique. Quand j’avais 20 ans, je vois ce que ce militant brillant pouvait avoir comme pouvoir d’attraction. J’ai deux fils en âge de voter ou de militer comme je le faisais alors. Je ne vois pas bien quel leader de gauche pourrait leur faire le même effet. La politique faite par des Cambadelis, Hamon, Bartolone et tant d’autres est exactement à des années lumières de la densité, de la rigueur et de la sincérité qui fut celle d’un Rocard. Rocard aimait la réflexion, la remise en cause des certitudes, le doute, la confrontation des idées, l’inscription de visions dans le temps historique et refusait par-dessus tout la démagogie.

Je peux encore faire la liste de toutes les idées nouvelles produites par Michel Rocard et ses amis quand je militais à leurs côtés. Et j’attends toujours la liste des idées qui pourraient devenir des réformes votables et applicables de la part de ceux qui aujourd’hui voudraient incarner la gauche et la suite.

Valls et Macron n’ont pas la même densité historique, ni la même créativité mais ils ont au moins la vision européenne, le refus de la démagogie et la rigueur pour avantage.

Hamon n’a gardé du rocardisme que l’obsession d’avoir un courant organisé. Pour le reste, sa démagogie, son sectarisme, son marketing politiques et ses petites postures avec une pensée réduite à quelques tweets sont vraiment à des années lumières des qualités humaines et politiques d’un Michel Rocard.

Les débats ouverts dans les dernières années sur le réchauffement climatique, sur la fin de la croissance, sur l’Europe sur la réduction du temps de travail restent des pistes d’avenir pour une gauche en déshérence. Il attendait beaucoup du Brexit et peut-être avait-il encore raison avant tout le monde, car depuis l’opinion sur l’Europe a radicalement changé dans beaucoup de pays. Et les 5 E qu’il pensait mettre en valeur en 1987 sont tous simplement les priorités qui ont fait les belles réformes du quinquennat Hollande Europe, Economie, Emploi, Education, Environnement. Priorités toujours d’actualité pour une gauche réformiste d’avenir.

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